Un article intitulé « Le rôle des médias dans la montée en puissance du tourisme durable » paru sur un site fantôme Planète-verte régie (aucun lien ne fonctionne pour connaître qui se cache derrière cette appellation), commence par effectuer un récapitulatif des premières avancées en la matière, et se termine par la promotion du site « Voyageons autrement », auquel appartient la journaliste ayant rédigé le texte…
Classique !
Depuis plus de 13 ans que j’écris sur ces sujets et ai fondé l’Association des Voyageurs et Voyagistes Éco-responsables (V.V.E), nous sommes confrontés en permanence au greenwashing et à la collusion d’acteurs s’auto-justifiant, s’entre-alimentant de manière à favoriser leurs divers business : plateformes présentant des « Voyages responsables », dont une bonne partie ne propose rien d’éco-responsable, ni de durable, associations représentant uniquement des Tour-opérateurs, organismes de formations ou de consulting, guides de voyages, revues, ou médias, etc.
Comment les lecteurs non avertis peuvent-ils comprendre ce qui se trame derrière les jolies façades affichées ?
Même si certains d’entre eux se méfient, mettant au passage tout le monde dans le même panier, il paraît bien improbable qu’ils puissent appréhender les divers conflits d’intérêt que masquent ces communications.
Alors, à la question initialement posée : « Quel est le rôle des médias dans le tourisme durable ? », la réponse la plus appropriée serait celle-ci :
« Détourner les publics qui seraient les plus réceptifs à la notion de tourisme durable vers des offres générant des profits auprès desdits organismes, de manière directe ou indirecte ».
Comment ces médias alimentent le greenwashing
Lorsque des sites comme Voyageons Autrement ou Tourmag écrivent un article, c’est le plus souvent pour mettre en lumière soit l’un de leurs financeurs, soit un secteur d’activité cible ; et actuellement tout le monde aura compris que ce sont les croisiéristes qui sont choyés par ceux qui vivent du greenwashing, car ce sont certainement ceux qui possèdent les plus importantes possibilités d’investissement en matière de communication, les plus gros budgets, et les plus forts besoins de (re)verdir leur image…
Cela donne ceci…
Du côté de Tourmag, on s’en est même fait une spécialité… :
https://www.tourmag.com/Ponant-veut-etre-une-reference-d-un-tourisme-responsable_a102263.html
https://www.tourmag.com/Ponant-compense-a-150-ses-emissions-carbone_a102163.html
Alors tout ce beau monde se met à vanter les actions de « compensation carbone », tandis qu’au Média du voyage durable, nous prônons la limitation des émissions de CO2.
Mais aucun de ces acteurs du greenwashing en lien avec ces médias ne souhaite modifier ses itinéraires, la durée de leurs séjours, le nombre de destinations ou de départs proposés dans l’année au sein de leurs catalogues ; ces actions qui, pourtant, s’imposeraient pour parvenir à un tourisme plus durable…
Alors, ils ont trouvé l’arme absolue : la plantation d’arbres…
La reforestation : la compensation carbone la moins fiable, pourquoi ?
La reforestation recueille les suffrages des acteurs du greenwashing, car elle possède certains atouts : elle atteint et peut satisfaire le grand public non spécialiste de ces questions…
Or, au Média du voyage durable, nous avons consulté les scientifiques, parmi lesquels, Monsieur Augustin Fragnière, Docteur en Sciences de l’environnement, philosophe, et chargé de cours à l’Institut de géographie et durabilité de Lausanne, invité au Forum National du tourisme Responsable de Chambéry en 2010…
Voici quelques principes qui ressortent de ses études et de nos récentes mises à jour :
1 - Compenser ses émissions de CO2 n’annule pas les pollutions autres générées par nos transports…
2 – Aujourd’hui les organismes suivants sont les plus sérieux, par ordre de préférence :
Atmosfair - My climate - CO2 Balance
3 – il apparaît que les labels MDP et Gold Standard sont les plus contraignants des standards, le label Gold Standard étant le plus complet.
(Notons qu’aucune des actions citées par les voyagistes ci-dessous ne sont mises en œuvre par ces labels et organismes réputés les plus fiables et sérieux…).
4 – À propos des programmes de reforestation : les botanistes et les spécialistes du cycle du carbone disent que ces initiatives peuvent être justifiées si les forêts plantées sont assurées de vivre au moins cent ans ; la dépense de CO2 d’aujourd’hui est donc étalée sur cette durée…
Au vu du rythme actuel de la déforestation, et des interférences politico-économiques qu’elle génère, on peut considérer qu’il est peu d’endroits au monde où l’on soit assuré de la pérennité d’une forêt.
5 – Agir pour éviter la déforestation serait nettement plus efficace que toute action de reforestation…
À titre de comparaison avec les chiffres avancés par ceux qui déclarent compenser leurs émissions de CO2 avec la reforestation, les experts du WWF ont estimé à 1,56 milliards d’arbres à replanter et 780 millions à sauver pour juste compenser les incendies ayant eu lieu en Australie en 2019 – 2020…
Un travail à effectuer sur 10 ans !
Et rien n’est dit sur le nombre d’arbres qu’il conviendrait de replanter pour compenser les incendies de Bolivie, de Colombie, du Brésil, ou la déforestation en Malaisie et en Indonésie, ayant eu lieu de manière plus ou moins concomitante à la catastrophe australienne …
Autant d’informations que les médias qui communiquent sur la reforestation prônée par les voyagistes et croisiéristes omettent évidemment d’énoncer…
Voyageurs du Monde affirme compenser ses émissions de CO2 en plantant 2 700 arbres par jour, tandis que Salaün Holidays aurait planté 2 500 arbres en 2019… en Bretagne !
Les Palmes du tourisme durable 2019 ont même osé décerner la palme « grande entreprise » à Salaün pour cela… De qui se moque-t-on ?
Enfin Ponant affirme compenser à 150% ses émissions de carbone avec des projets de reforestation en Amazonie, via l’organisme Verified Carbon Standard…
Cette année, Il fallait être véritablement idiot pour ne pas comprendre que tout aura été fait pour que Ponant puisse devenir lauréat des « Palmes du tourisme durable 2020 », dont les initiateurs sont évidemment en lien avec ce microcosme intéressé par les retombées directes d’une telle communication…
D’ailleurs, le lendemain de l’annonce des résultats, le magazine Tourmag affichait un bel encart publicitaire de Ponant… Il serait intéressant de savoir combien celui-ci aura rapporté à ce magazine, non ?
Quelles sont les conséquences de ce greenwashing ?
Ce greenwashing, outre de tromper les voyageurs et de financer ceux qui s’y adonnent, possède une autre vertu : Celle d’éloigner le voyageur des offres réellement éco-responsables…
Il a, en outre, réussi à indigner la communauté scientifique avec laquelle nous sommes en lien depuis le premier Forum National du Tourisme Responsable (Chambéry – 2010)…
Alors, il est possible d’affirmer que le rôle principal des médias cités dans l’article évoqué en introduction est de tromper sciemment le voyageur soucieux de voyager de manière éco-responsable…
Un comble, non ?
Mais le comble absolu est le soutien d’Atout France, et la présence de Jean-Baptiste Lemoyne Secrétaire d'État auprès du ministre de l'Europe et des Affaires étrangères et d'Emmanuelle Wargon, secrétaire d'Etat auprès de la ministre de la transition écologique, à la cérémonie des Palmes du tourisme durable, organisées par les principaux acteurs du greenwashing...
Si même les institutionnels et membres du gouvernement participent à tromper le grand public, où va-t-on ?
S’il s’agit d’un comble, cela ne constitue malheureusement pas une surprise au vu de l’inaction opérée par le gouvernement actuel vis-à-vis de l’environnement, en dehors des beaux discours…
Que ce soit en matière de protection de la biodiversité, des espèces protégées, de la lutte contre la surpêche et les pesticides, des cadeaux offerts aux chasseurs, etc., le bilan de ce dernier est largement négatif…
Alors, que peut apporter la présence de deux secrétaires d’État à une cérémonie participant à glorifier un croisiériste, et mettre en avant ceux qui font carrière avec la notion de tourisme durable, loin, très loin, des acteurs qui œuvrent au quotidien sur un territoire, et peinent à en vivre ?…
Évidemment, une telle présence, s’inscrit elle aussi dans le cadre d’un verdissement d’un gouvernement qui en a bien besoin…
Les médias sérieux abordant le thème du tourisme durable :
Pour rester positif, amis lecteurs, Le Média du voyage durable existe, heureusement, et continuera à dénoncer ces tromperies.
Et puis, deux médias très sérieux : Médiaterre, et Reporterre, à l’audience bien plus large que ces médias de microcosme, continuent de nous informer avec des arguments étayés et des études documentées. Ce dernier, comme le Média du voyage durable, n’étant financé que par ses donateurs…, là se trouve toute la différence !
Ainsi, eux, ne cherchent pas à vous tromper…
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