Non, la notion de « surtourisme » ne relève pas du mépris de classe

Réponse à Monsieur Jean-Pinard : Non, la notion de « surtourisme » ne relève pas du mépris de classe.

Je considère que cette tribune, publiée dans le Monde, est hors sujet sur de nombreux points.

Voici Pourquoi :

La notion de surtourisme est perçue comme un mépris de classe, stigmatisant les voyageurs des classes populaires

 

  • Cette notion est floue, et n’a pas été définie au préalable par l’auteur de cette tribune.

Il s’agirait de la « perception d'un trop grand nombre de touristes, créant des conflits avec la population locale. »

  • Elle ne correspond pas à un nombre de personnes défini, mais dépend totalement de la capacité d’accueil des territoires.

Or, en France, celle-ci n’a pratiquement jamais été établie de manière scientifique, comme cela devrait être le cas avant toute mise en tourisme d’espaces naturels ou patrimoniaux.

Certains territoires peuvent être considérés en sur fréquentation avec des espaces pouvant paraitre non saturés, pour diverses raisons : pas de retraitement des déchets ou des eaux usées, manque d’eau pour les autochtones (Désert mauritanien), baignade dans des lacs d’altitude (Pollution), églises ou chapelles exigües (Les Météores), bruit (Microphones ou explications devant un monument), chiens (sur certaines plages ou chemins de montagne), etc.

Par conséquent, il est possible de parler de sur fréquentation chaque fois que l’activité touristique exercée dérange les habitants, les autres visiteurs, ou produit des nuisances environnementales ou sociales permanentes et sur le long terme.

  • Le surtourisme peut provenir de visiteurs majoritairement étrangers, comme à Prague, à Mykonos, à Ibiza, ou au Machu Picchu par exemple.

Ces visiteurs sont évidemment des personnes plutôt aisées, arrivées sur place majoritairement après avoir utilisé l’avion, souvent des moyens ou de longs courriers, selon la notoriété de la destination.

  • Il peut découler également du débarquement de milliers de passagers de paquebots au même moment en des lieux inadaptés à une telle fréquentation. Santorin, Syracuse, Dubrovnik, en constituent des exemples caractéristiques.

Le dénoncer ne relève pas du mépris de classe…

Cela provient du ras-le-bol des habitants, ou des touristes individuels, privés des conditions sereines pour y vivre et s’y déplacer, ou pour visiter ces lieux dans de bonnes conditions…

Et contrairement à ce qu’affirme l’auteur, ce sont surtout les populations les moins aisées qui en souffrent le plus, ou les routards, c’est-à-dire ceux qui ne profitent pas de l’afflux de ces visiteurs pressés.

Dans de nombreux pays, il génère également des frustrations auprès des populations les plus défavorisées qui n’auront jamais les moyens de voyager ou de cesser de travailler pour s’octroyer des loisirs.

Ce tourisme-là, générateur de sur fréquentations ne profite qu’aux commerçants ou restaurateurs… Et aux compagnies de croisières.

Par conséquent, le plus souvent aux plus riches.

  • Les sur fréquentations dans les espaces protégés peuvent être le fait de vacanciers en périodes de vacances scolaires, ou de personnes vivant dans la Région toute l’année en hors saison. (Week-ends et jours fériés). (Calanques, PNR de chartreuse, Lac d’Annecy ou du Bourget).

Le niveau social des concernés peut donc être très divers, et n’est en aucun cas réservé aux moins nantis.

  • Les sur fréquentations dans les stations de sports d’hiver, où seuls moins de 10% des Français se rendent pour pratiquer le ski ne concernent que les classes sociales les plus aisées.

Le coût de l’immobilier repousse les habitants et saisonniers dans les vallées.

Critiquer l'excès de fréquentation touristique masque les véritables enjeux et stigmatise les voyageurs qui ne peuvent se permettre des vacances éloignées ou en dehors des périodes scolaires

 

Comme cela a été montré ci-dessus, cette assertion est totalement infondée.

Parce que la grande majorité des sur fréquentations sont produites par les voyages ou séjours des classes sociales aisées, et que les dérangements ou nuisances qui en découlent sont principalement subies par ceux qui n’ont pas les moyens de s’offrir des vacances ou des loisirs de même nature.

Ce sont les habitant et les saisonniers, ainsi que des touristes à faibles moyens, qui pâtissent majoritairement des nuisances générées par le surtourisme.

Le concept de surtourisme est une forme de tourismophobie, exagérant les frictions dues à une mauvaise gestion des flux

 

C’est évidemment une mauvaise gestion des flux qui engendre les sur fréquentations.

Il est donc question de gouvernance inappropriée.

Non, le concept de surtourisme ne porte pas en soi une forme de tourismophobie, mais simplement un constat : Le territoire est mal géré.

Si cela profite principalement aux classes aisées, gros TO, promoteurs, croisiéristes, etc. il est normal que les habitants, les saisonniers ou autres visiteurs qui en subissent les nuisances en soient frustrés, ou le dénoncent.

Les plateformes comme Airbnb ont contribué à déséquilibrer le marché du tourisme dans les villes tout en augmentant la fréquentation des zones rurales
 

S’il est indéniable qu’Airbnb a déséquilibré le marché de certaines villes touristiques, principalement en excluant les habitants des centres villes où l’immobilier est le plus cher (Barcelone), il aurait été souhaitable que l’auteur donne des chiffres concernant l’autre facette de son affirmation.

Il existe toujours de nombreux déserts touristiques, y compris à proximité des lieux les plus fréquentés.

Ce sont surtout les gîtes, chambres d’hôtes, ou hébergements insolites qui permettent d’augmenter la fréquentation des zones rurales.

Si certains sont effectivement proposés par Airbnb ou Booking, ce n’est pas ce qui constitue le principal moyen d’accès à ces offres.

Les plateformes des Gîtes de France, les Offices de tourisme, les Parcs Naturels Régionaux ou Parcs Nationaux, y contribuent très largement. 

Les vols aériens low-cost, subventionnés, augmentent les déséquilibres entre visiteurs et résidents

 

Les vols low-cost subventionnés via le carburant non taxé et les aéroports, constituent l’une des principales raisons de la création de sur fréquentations.

Point Afrique l’a prouvé dans les années 2000 avec la chartérisation des déserts de Mauritanie ou d’Algérie.

Ils sont les principaux responsables des sur fréquentations subies par les habitants et saisonniers de la côte Sud de Ténérife, qui viennent de se rebeller contre cet afflux touristique qui ne leur profite en rien.

Ils n’augmentent pas que les déséquilibres entre visiteurs et résidents… Ils créent toujours le même phénomène de rejet d’une certaine forme de tourisme, opéré sans que les résidents en retirent des bénéfices équitablement répartis.

Cependant concernant les Canaries ou les Baléares citées par l’auteur, il convient de noter que de très nombreux résidents de ces îles ou leurs familles habitant la Péninsule Espagnole, utilisent très largement ces vols Low-Cost, notamment avec Vueling, et se trouvent de ce fait du même côté de la barrière que le voyageur étranger.

 

En août, Argelès-sur-Mer (Pyrénées-Orientales) accueille près de 100 000 personnes par semaine, mais c’est bien la capacité de la station : il n’y a aucun dépassement, aucune raison de pointer ce tourisme balnéaire comme une forme de tourisme dont on ne voudrait plus, sans proposer la moindre solution de rechange crédible

 

Tout va très bien Madame la Marquise.

Selon l’auteur, concentrer de telles masses de villégiateurs ne pose aucun problème…

Ni de production de déchets, pas plus pour leur recyclage, ni de pollution de la Méditerranée, ni d’approvisionnement en eau dans une zone en déficit hydrique, ni de dégradation visuelle des côtes, et encore moins de l’artificialisation des sols qui favorisent les inondations lors des épisodes cévenols !

En outre, qu’est-ce qui autorise l’auteur à affirmer qu’aucune solution de rechange crédible n’existe lorsque quantités d’offres alternatives sont promues par les acteurs de l’écotourisme ?

Dans cette Région comme ailleurs !

Désaisonnaliser demande aux gens d'aller là où ce n'est pas aménagé, ce qui est une mauvaise réponse

 

Selon l’auteur, il y aurait donc des lieux aménagés où se concentrent les touristes parce que c’est aménagé et ailleurs un vide sidéral.

Où vont les 16 millions de randonneurs en France ?

Certainement pas à Argelès, mais bien là où il existe des offres d’écotourisme en très grand nombre.

L’Association Nationale de l’Ecotourisme et du Slow-Tourisme (l’ANEST) les évalue à plus de 2 000.

Beaucoup sont répertoriées par les PNR et Parcs Nationaux…

Non, notre territoire n’est pas un désert, et c’est bien dans les Régions comme les Cévennes, les Alpes, les Pyrénées, la Provence, la Bretagne, etc., que l’on peut passer des vacances heureuses, vivre des expériences, à des prix accessibles à une large majorité de Français.

Et c’est évidemment la meilleure des réponses pour que de nombreux acteurs du tourisme, et leurs familles puissent vivre sur leurs territoires respectifs…

La surmédiatisation du surtourisme remet en cause la démocratisation du tourisme

 

La surmédiatisation du surtourisme est générée principalement par les médias à des fins lucratives.

Cela fait vendre des abonnements et du papier.

Ce qui remet en cause la démocratisation du tourisme, c’est affirmer qu’agglutiner des villégiateurs dans des zones avec des capacités d’accueil exorbitantes, c’est bien.

Qu’il n’existe pas d’offres alternatives, et / ou de proximité, à bas prix, proposant des expériences uniques.

Que les sur fréquentations n’engendrent aucun désagrément ou nuisances pour les habitants…

Qu’au nom de la démocratisation du tourisme, il est possible d’accepter que l’ensemble des bas revenus n’aient accès qu’au tourisme de masse dans les espaces les plus aménagés…

Les discours contre le tourisme sont liés aux idéologies politiques, en particulier le populisme

 

Cette fois encore, ce paragraphe très confus me semble hors sujet.

Comme énoncé ci-dessus, ce n’est pas le tourisme en soi, mais les pratiques nuisibles aux populations locales, aux saisonniers, et à l’environnement naturel ou patrimonial, qui sont pointées du doigt par ceux qui en dénoncent les méfaits.

Y voir absolument un lien avec les populismes ou la politique n’est aucunement justifié.

Le rejet de l’autre, n’est pas majoritairement généré par le tourisme, mais par des idéologies diffusées et relayées en permanence par les médias.

Cependant il est bien connu qu’il est plus aisé de stigmatiser que d’apporter des données vérifiables.

Conclusion

« Le mauvais touriste, le touriste de trop, devient donc ce prolo qui encombre les autoroutes tous les samedis d’été, celui qui, dès le premier rayon de soleil printanier, décide de faire visiter le Mont-Saint-Michel à ses enfants. Comme forme de mépris de classe, on ne fait pas pire ».

Non Monsieur Jean Pinard, ce n’est pas ce que dénoncent ceux qui pointent du doigt les sur fréquentations.

Elles sont générées principalement par des agences de voyages et croisiéristes, qui, depuis leur industrialisation des années 90 et 2000 envahissent les lieux qu’il « faut avoir vus », comme le rappelle le Guide du Routard avec les 100 plus beaux sites !,  et d’autres guides touristiques largement responsables de cet état de fait.

Ainsi que les principales agences ou croisiéristes qui en sont à l’origine :  Allemands et Français…, avec parfois des actionnaires étrangers, parmi lesquels des Chinois.

Dont certains osent même s’afficher sous les étiquettes ‘Tourisme responsable, voire durable !

Le CRT que vous avez dirigé pendant plusieurs années est en lien avec des associations qui les promeuvent…

Ce billet me fait penser à la préfiguration d’un événement qui se prépare pour novembre 2024, où l’on souhaite intégrer l’aspect social…

Ce texte me semble constituer un bien piètre départ, pour ne pas prononcer une seule fois le mot « saisonniers » - les esclaves des temps modernes de ces agences industrielles… - Et parce qu’il se trompe de cibles à plusieurs reprises.

Quant aux médias, on se demande comment un journal comme Le Monde peut sous-traiter ses articles, comme l’ont fait Courrier International en mettant en avant l’un des principaux acteurs du greenwashing et son label de complaisance, Médiapart en fustigeant les moniteurs de ski en plein Covid, Bio Addict en publiant une liste de voyagistes tout droit sortie du bureau d’un acteur du greenwashing, ou Nice Matin en diffusant une vidéo issue d’une caméra de surveillance – ce qui est interdit par la CNIL.

Une presse en pleine déliquescence, au service non pas du peuple et des « prolos », que vous prétendez défendre, mais des nantis.

©Photos : Jean-Pierre Lamic - Pragues - Messine - Gîte du Suquet - Stromboli - Los Cristianos Tenerife.

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Auteur : 
Jean-Pierre LAMIC

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