Le 16 avril dernier, en France, quelques communiqués laconiques annonçaient la mort de Luis Sepúlveda. Ils passèrent inaperçus, eu égard au contexte du moment.
Cet auteur et journaliste de nationalité chilienne était l’une des premières victimes de la Covid 19 à déplorer dans les Asturies en Espagne…
Une victime peu connue du grand public dans notre pays, mais pourtant un immense et sublime écrivain-voyageur de réputation internationale.
Luis Sepúlveda fut, à n’en pas douter l’un des tout premiers acteurs de voyages durables que l’univers ait portés…
Né en 1949 au Chili d’un père communiste et d’une mère Mapuche, il fut bercé par les exploits révolutionnaires des guérilleros cubains, et de Che Guevara, l’illustre révolutionnaire argentin assassiné par la CIA en octobre 1967 en Bolivie.
Che Guevara avait été lâché par les partis communistes sud-américains inféodés à Moscou, en vertu d’un accord secret passé avec les États-Unis suite à la crise des missiles qui se déroula en octobre 1962 à Cuba… De quoi ébranler certaines de ses convictions, mais pas son engagement véritable qui l’accompagnera tout au long de sa vie…
Quelques années plus tard, il publia diverses œuvres classiques dans le but de les vulgariser pendant la présidence de Salvador Allende.
Arrêté sous la dictature par les sbires de Pinochet, il devient un voyageur immobile au cœur des geôles chiliennes de l’époque. Il y restera séquestré durant deux ans et demi avant d’être libéré par la branche allemande d’Amnesty international en 1977.
Cet épisode va le marquer profondément, et influencer considérablement son œuvre.
Il passe un an dans la clandestinité, voyageant en Uruguay, au Brésil, au Paraguay, en Colombie, au Pérou, puis en Équateur.
Il y séjourne en 1978 au cœur de la forêt amazonienne avec les indiens Shuar. C’est là qu’il va puiser ses sources et son inspiration pour l’écriture de son chef d’œuvre traduit en 35 langues : « Le Vieux qui lisait des histoires d’amour ».
Un roman qui décrit les atteintes et violences produites par la colonisation de l’Amazonie par les chercheurs d’or ou autres blancs à la recherche des richesses de cette région du monde, au mépris de la faune et de l’environnement tant naturel qu’humain.
En 1979, il intègre les brigades internationalistes Simon Bolivar en appui à la guérilla au Nicaragua, et après la victoire des Sandinistes la même année, se réfugie en Allemagne où il vivra quatorze ans, avant de rejoindre l’Espagne en 1996.
De 1982 à 1987, il intègre l’équipe de Greenpeace, expérience de laquelle va naître « Le monde du bout du monde » dans lequel il décrit les exactions commises par les baleiniers japonais en dépit d’un moratoire datant de 1982 sur l’arrêt de la chasse à la baleine.
Une lutte qui le ramène dans son pays d’origine, à l’extrême Sud du Chili.
De la Patagonie, où il retournera plusieurs fois, il tire l’inspiration pour l’écriture de son ouvrage « Patagonia express ».
Il allie ses convictions à son écriture ; c’est ainsi que ses combats pour l’écologie lui ont suggéré la publication de contes pour jeunes de 8 à 88 ans, aux titres évocateurs : « Histoire d’une mouette et du chat qui lui apprit à voler », ou « Histoire d’un escargot qui découvrit l’importance de la lenteur ».
Le premier raconte comment un groupe de chats va être amené à couver l’œuf, puis à élever l’oisillon né d’une mouette emportée par une marée noire. Et enfin, à lui apprendre à voler…
Le second, nous conte l’histoire d’un escargot anticonformiste et du voyage qu’il entreprend, au cours duquel il rencontrera un hibou mélancolique, une sage tortue, et des fourmis très bien organisées, avant de trouver réponses aux questions qu’il se pose, en bon rebelle qu’il est…
Luis Sepúlveda a narré ses plus beaux voyages au travers de son œuvre riche d’une trentaine d’ouvrages, vécus au cours d’une vie tourmentée, et nous montrer que le vrai voyage n’est pas de vouloir « tout voir », mais d’observer en profondeur, d’analyser, de comprendre, en s’immergeant dans un monde à découvrir.
Il a su nous faire rêver, mais également rire, grâce à un humour bon enfant…
Saurons-nous un jour comment le bateau Covid 19 a -t-il pu l’embarquer pour son dernier voyage ?, tandis que je lisais comment il avait découvert que des bateaux fantômes massacraient les baleines dans ce monde du bout du monde…
Luis Sepúlveda a marqué ma vie de piètre lecteur, bousculé par le temps qui passe trop vite.
C’est en 1999, que je le découvris, alors que je vivais en Équateur, et eu la chance d’effectuer un voyage au cœur de l’Amazonie en compagnie des indiens Huaorani, voisins des Shuar avec qui il vécut.
Je me trouvais en plein cœur des lieux ayant inspiré son premier roman, et pouvais y aposer mes propres images !
Depuis que je vis à Tenerife, j’ai englouti la quasi-totalité de son œuvre, dont une partie sillonne certains des sentiers que j’ai eu la chance d’emprunter au cours de ma vie : une œuvre unique, celle d’un écrivain engagé, comme l’Amérique latine a su en produire.
Merci Monsieur Sepúlveda, nous nous souviendrons de la grandeur de votre âme d’écrivain-voyageur en avance sur son temps, et tenterons, à notre humble niveau de poursuivre vos combats…
L’homme d’aujourd’hui, et la Planète en ont plus que jamais besoin…
≠VoyagesEnImmersion
≠LuisSepulveda
Ajouter un commentaire